Tom Navarre : du badminton à l’engagement humanitaire avec Solibad
- Emily-Rose Strich
- 26 mars
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 1 avr.
De l’ingénierie au bénévolat, du rugby au badminton, de la France à l’Indonésie… Tom Navarre a fait un choix fort : mettre sa carrière entre parenthèses pour s’engager avec Solibad. Pendant trois mois, il a découvert notre programme en Indonésie, mêlant sport et solidarité.
Passionné de sport depuis toujours, Tom, 26 ans, a grandi à Toulon et poursuivi des études d’ingénieur à Lyon. Après une pause dans le badminton au profit du rugby, il démarre sa carrière chez Decathlon au Portugal. Mais en 2024, il décide de s’accorder du temps pour des défis personnels et surtout, pour un projet humanitaire.
C’est via la Fondation Decathlon qu’il découvre Solibad. Initialement prévu pour un projet au Brésil, il doit changer de destination en raison de l’instabilité locale. Il explore alors d’autres options avec Solibad et choisit Bintang Kidul en Indonésie, un programme ayant déjà accueilli des volontaires.
Bintang Kidul est une organisation indonésienne qui œuvre pour l’éducation et l’insertion sociale des jeunes issus de milieux défavorisés. À travers des programmes éducatifs et sportifs, elle accompagne les enfants et adolescents dans leur développement personnel et leur offre des opportunités pour un avenir meilleur. Le badminton joue un rôle central dans leur approche. Grâce à ce sport, les jeunes développent des valeurs essentielles comme la discipline, l’esprit d’équipe et la persévérance.
Après plusieurs échanges avec Dominique, la responsable locale, Tom prépare son séjour, qui commence par un premier mois à Jakarta.
Jakarta : entre choc culturel et engagement à la déchèterie
Fin août 2024, Tom quitte la France et atterrit à Jakarta, où il retrouve Dominique. Dès la première semaine, il rencontre les équipes locales et découvre la capitale indonésienne.
Heureusement, son intégration dans la communauté badminton l’aide à trouver ses repères. Il fait la connaissance des deux équipes locales, composées de jeunes joueurs motivés et de coachs bienveillants. Logé chez la mère d’un entraîneur – une dame attentionnée, presque comme une grand-mère pour lui –, il rencontre sa grande famille. Si l’accueil est incroyablement chaleureux, les conditions de vie demandent une adaptation : douche au seau, toilettes accroupies, lessive à la main. À cela s’ajoutent la chaleur écrasante et les moustiques, rendant les nuits difficiles.
Mais c’est surtout la découverte de la déchèterie, à la frontière entre Jakarta et Bekasi, qui marque profondément Tom. Ce lieu est bien plus qu’un simple dépotoir : c’est un village à part entière, où des centaines de familles vivent au milieu des déchets, leur survie dépendant du tri et de la revente de matériaux recyclables. L’environnement est difficile : l’odeur des déchets en décomposition sous la chaleur est omniprésente, et le cadre de vie est éprouvant.
Quatre fois par semaine, Tom se rend à la déchèterie, où vivent les jeunes bénéficiaires du programme. Deux étudiantes indonésiennes y animent des cours pour les enfants, abordant divers sujets éducatifs. D’abord observateur, Tom s’investit progressivement, donnant des cours d’anglais et de mathématiques à une dizaine de jeunes. Après les cours, les jeunes et lui marchent ensemble jusqu’au terrain de badminton pour s’entraîner. Là, le sport devient un exutoire, une parenthèse bienvenue loin du quotidien de la décharge.


Un tournant avec l’arrivée de Loris Dufay
Les deux dernières semaines à Jakarta marquent un tournant avec l’arrivée de Loris Dufay, coach de l’équipe de France de para-badminton. Arrivé en septembre pour un séjour de deux semaines dans le cadre du programme Solibad, Loris et Tom ont immédiatement noué un lien fort. Ils partagent tout : hébergement, entraînements, et surtout une volonté commune d’apporter un savoir-faire technique.
Loris, plus expérimenté, structure les séances en ajoutant des sessions matinales et initie Tom au coaching de badminton. Ensemble, ils ont coaché des joueuses comme Grace et Karla, deux jeunes athlètes prometteuses.
Ce fut un véritable déclic pour Tom. En observant les méthodes de Loris, il a pris conscience des lacunes dans l’approche des entraîneurs locaux. S’ils étaient chaleureux et proches des enfants, ils privilégiaient surtout des exercices ludiques, au détriment d’un véritable apprentissage technique et stratégique.
Ils ont alors décidé de rédiger ensemble un rapport détaillé sur les entraînements observés, rédigé en français puis traduit pour les entraîneurs locaux. Cette initiative avait pour but de leur fournir des outils concrets pour améliorer leurs méthodes et structurer les séances d’entraînement de manière plus efficace.
Cette collaboration est aussi une rencontre humaine forte. Tom, habitué aux voyages en immersion, aide Loris à apprivoiser cette réalité plus rude, notamment lors de ses visites à la déchèterie. Une entraide précieuse qui marque profondément leur expérience.
Si Tom s’est rapidement intégré grâce à l’hospitalité des Indonésiens, un défi majeur s’est vite imposé : la langue. À Jakarta, aucun des entraîneurs locaux ne parlait couramment anglais, ce qui a été frustrant, surtout lorsqu’il voulait proposer des ajustements aux entraînements. L’arrivée de Loris Dufay a facilité cette communication. En illustrant leurs recommandations par des démonstrations, ils ont pu mieux transmettre leurs idées aux coachs locaux. Avec les enfants aussi, l’anglais n’était pas toujours un moyen de communication efficace. Pourtant, le badminton est devenu leur langage commun : gestes, entraînements et démonstrations ont suffi à créer du lien. Malgré ces obstacles, Tom s’est senti chez lui. L’accueil chaleureux des Indonésiens a joué un rôle clé : tout était mis en œuvre pour qu’il s’intègre sans ressentir le mal du pays.


Yogyakarta : immersion au cœur du badminton et du foyer
Après un mois passé à Jakarta, Tom a pris le train pour rejoindre Yogyakarta, au sud de l’île de Java, une ville plus agréable et accessible. Il a été accueilli par les jeunes du foyer de Bintang Kidul, une partie du programme qui combine un projet sportif autour du badminton et un lieu de vie pour une douzaine de jeunes, âgés de 16 à 26 ans. Ces derniers, originaires de la décharge de Jakarta, ont pu être relocalisés à Yogyakarta grâce à une bourse qui leur permet de poursuivre leurs études jusqu’à l’entrée dans la vie active.
Tom est immédiatement plongé dans leur quotidien, partageant leur colocation. Ici, plusieurs jeunes parlent anglais, facilitant les échanges. Il rencontre aussi Ipung, responsable du programme, et Black, qui joue le rôle d’intermédiaire et de traducteur tout en connaissant parfaitement le badminton en Indonésie.
À Yogyakarta, Tom consacre presque tout son temps au badminton, en parallèle de quelques cours d’anglais. L’association gère quatre équipes de jeunes originaires de la ville, qui s’entraînent quotidiennement, et il assiste à un maximum de séances.
Il noue une relation forte avec Rayendra, un jeune passionné souhaitant devenir entraîneur. Leur échange est mutuel : Rayendra l’aide à comprendre les subtilités du badminton en Indonésie, tandis que Tom lui apporte un regard neuf sur l’entraînement.
Les tournois auxquels il assiste sont des moments forts : à Jakarta, un jeune atteint les quarts de finale d’un tournoi national, et à Yogyakarta, un joueur remporte sa catégorie dans un tournoi régional. Tom analyse attentivement leur jeu et leur propose des axes d’amélioration.



Un manque de stratégie dans l’entraînement indonésien
Au fil des entraînements et des matchs, Tom et Loris (avec qui il avait collaboré à Jakarta) ont identifié un point faible majeur dans la formation des joueurs indonésiens : l’absence totale d’apprentissage tactique et stratégique.
Les entraînements locaux se concentrent uniquement sur la technique et le physique : perfectionner les gestes, renforcer l’endurance et la puissance. Mais l’aspect tactique – savoir où placer ses coups, comprendre les points faibles de l’adversaire, adapter son jeu en fonction du contexte – n’est jamais abordé. Les joueurs évoluent principalement à l’intuition. Même dans les académies de haut niveau, cette lacune est frappante. C’est ce que Tom et Loris ont cherché à transmettre dans leur rapport détaillé, avec des pistes d’amélioration. Ils ont insisté sur l’importance d’introduire des exercices spécifiques à la tactique et à la prise de décision sur le terrain, dans l’espoir que certains entraîneurs s’en inspirent.
Mais quand Tom tente d’introduire de nouveaux exercices axés sur la stratégie, il se heurte aux méthodes traditionnelles bien ancrées et à la culture hiérarchique où les jeunes n’osent pas poser de questions aux entraîneurs. Malgré cette résistance au changement, certains jeunes comme Rayendra se montrent curieux et ouverts à ces nouvelles approches.

Une pause nécessaire pour mieux repartir
Après quatre semaines intenses à Yogyakarta, Tom a dû quitter temporairement l’Indonésie pour renouveler son visa. Il lui avait été conseillé de faire une pause pour souffler et se régénérer, un conseil avisé après des semaines d’investissement total dans les entraînements et l’analyse des méthodes locales.
Il passe d’abord quelques jours à Bali, une destination qu’il n’avait pas prévue mais qu’il découvre grâce à Black, qui l’accueille dans sa maison en pleine jungle. Cette retraite en pleine nature lui permet de se recentrer avant de partir deux semaines en Thaïlande chez son cousin. Entre sport et repos, cette pause lui permet de recharger ses batteries après une immersion exigeante sur le plan physique et mental.

Cap sur Sumatra : une nouvelle approche du badminton
De retour en Indonésie au début du mois de novembre, Tom pose ses valises sur l’île de Sumatra, bien moins peuplée que Java. Il commence son séjour à Padang, où il a intégré l’un des clubs les plus structurés qu’il ait rencontrés durant son voyage. Contrairement aux autres équipes de Bintang Kidul, souvent composées de petits groupes d’enfants coachés de manière informelle, ce club disposait d’un véritable gymnase avec des entraînements quotidiens intensifs, où les adultes rejoignent les enfants pour jouer. Pendant deux semaines, Tom a vécu au rythme du badminton, partageant ses journées entre sessions d’entraînement de 15h à 23h et moments conviviaux avec des joueurs passionnés.


Dominique et Black le rejoignent ensuite pour poursuivre l’aventure à Payakumbuh, une ville plus rurale. Ici, l’approche du badminton est radicalement différente : pas de gymnase, mais des terrains improvisés dans les jardins, où les enfants viennent jouer après l’école. Tom visite notamment une équipe dans la vallée de Harau, un cadre spectaculaire entouré de montagnes. Pendant deux semaines, il alterne entre les différentes équipes, découvrant une nouvelle facette du badminton indonésien. Le niveau technique y est plus faible, mais la passion et l’engagement des coachs et des jeunes sont impressionnants. Il en a aussi profité pour s’immerger dans la culture locale à travers des randonnées, un festival et des rencontres marquantes avec une population chaleureuse et ouverte. Cette région lui a permis de constater une nouvelle fois la richesse et la diversité de l’Indonésie, où plus de 1000 langues et cultures coexistent.





Des liens forts et des adieux difficiles
Chaque départ est un déchirement. Dans ces régions reculées, certains jeunes n’avaient jamais vu d’étranger, et les entraîneurs, souvent isolés, sont reconnaissants de l’aide apportée. Tom sait que son passage laissera une trace durable.
Il poursuit ensuite son périple à Lampung, au sud de Sumatra, où il passe deux jours avec une équipe dynamique. Tom a pu observer leurs entraînements et leur transmettre des conseils, tout en rédigeant des notes d’observation pour Dominique et Bintang Kidul.

Puis, il prend un dernier bus pour Jakarta pour retrouver les jeunes et la grand-mère qui l’avait accueilli au début de son voyage. Il est frappé par les progrès réalisés en son absence, une belle conclusion à cette aventure.
En mi-décembre, il a quitté l’Indonésie pour rentrer en France, avec un sentiment partagé : une pointe de tristesse à l’idée que ce projet incroyable touche à sa fin, mais surtout une immense gratitude pour tout ce qu’il avait vécu.
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