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Bad’agascar

Quand le badminton guérit les âmes…


Ils sont là, en rond, sous l’un des rares arbres aux feuilles suffisamment larges pour les protéger du soleil. Après plus de 2h30 d’activité intense sous une chaleur de plomb, à la question « Mbola Mazoto ny anohy badminton ve ianao » (Voulez-vous faire du badminton plus régulièrement ?) », tous lèvent la main. La banane accrochée au visage, les yeux pleins d’étoiles.


Deux jeunes filles du programme attendent patiemment leurs raquettes

Le programme « Bad’Agascar » est né cette semaine, du rêve un peu fou, tout d’abord, d’une famille Montbéliarde qui a tout plaqué pour venir s’installer au milieu de cette banlieue ultra pauvre de Madagascar, et du pari non moins osé de notre belle Association Solibad, qui croit, comme eux, que le sport a des vertus qui vont bien au-delà de la simple activité physique.

Vive le badminton pour ce jeune garçon

Pendant 4 jours, une quarantaine d’enfants ont donc pu prendre part au lancement de ce nouveau programme de Solibad, en partenariat avec cette magnifique jeune ONG, « 2400 sourires » (www.2400sourires.org), nommée après la lugubre statistique du nombre des enfants des rues à Madagascar, troisième pays le plus pauvre de la planète. Tous les jours, de 16h à 18h – parfois plus à leur demande – des jeunes du village de Ambohidratrimo se sont initiés au badminton. Un sport de raquette dont ils n’avaient jamais entendu parler. Forcément. Ici, le football est roi, et tous les enfants, garçons et filles, ont déjà tapé dans ce qu’il reste des ballons d’occasion, le cuir tanné par les coups de sandales – et les tempêtes. A l’appel de l’Association 2400 sourires, donc, ils ont dévalé les pentes de leur village aux cases de tôles et de bouts de bois de fortune et de briques rouges fabriquées dans cette terre ferrugineuse si caractéristique du pays. Et ce, tous les jours, après l’école pour ceux qui y vont, pour se réunir sur un petit terre-plein surnommé pour l’occasion « le terrain de la liberté » appartement à la paroisse tenue par les parents de Romain. Un pasteur et sa femme qui ont donné toute la noblesse au sens du mot charité, en s’installant dans ce village il y a 23 ans, et mettant sur pied un dispensaire médical en plus d’une mine d’activités diverses et variées pour redonner, en plus de services de première nécessité, de la dignité aux habitants.

Le "terrain de la liberté" des 2400 sourires, occupé toute la semaine et qui a fait des envieux parmi les autres enfants.

Les filets sont montés, les premiers éclats de rires raisonnent au milieu des rizières qui ont revêtu leur plus beau vert. Les ballons de baudruches sont gonflés, pour appréhender les premiers gestes avec la raquette. Le passage aux volants se passe tout en douceur, et c’est un joyeux bazar acoustique fait d’éclats de rires et de cris de surprise lorsque les volants fusent, qui s’organise bientôt en contre bas du village, sous les yeux envieux de dizaines d’autres enfants, assis en rond autour de la petite zone dédiée à cette toute nouvelle activité.



A l’unanimité, le sport, le jeu, est adopté. Certains montrent déjà de belles dispositions, sous les précieux conseils d’une jeune athlète malgache, Miangola Razafinimanana, toute récemment couronnée championne de son pays en double mixte, à 22 ans. Et qui n’a pas hésité une seconde à rejoindre le programme bénévolement, même si elle devait jongler avec ses cours de droits à l’université, ses entrainements à elle, et faire tous les jours près de trois heures de Taxibé supplémentaires…


Et là, comme en Haiti, en 2010. Comme en Indonésie, en 2014. Comme en Ouganda en 2016 ou au Rwanda en 2020, la magie opère. Le badminton-guérison fait son office. Prend tout son sens. Dans un premier temps, en l’espace de quelques minutes, il procure de la joie.

La maison de Fiena, dévastée par les inondations

Un sentiment de légèreté. Les soucis semblent s’envoler – et ils sont nombreux, entre la pauvreté de tous les instants et un cyclone qui s’est abattu sur la capitale, dont un qui a fait des énormes ravages, il y a moins d’un mois. Parmi les plus âgés des enfants présents, Fiena, 16 ans, a vu alors tout un pan de sa maison s’écrouler, l’obligeant, elle, son papa et sa sœur à emménager d’urgence chez des amis, alors que, quelques mois auparavant, elle avait été déjà frappée par un destin capricieux – leur maman ayant abandonné le foyer, sans plus aucun signe de vie, du jour au lendemain. Une histoire parmi tant d’autres ici, dans ce village niché sur les collines rouge-sang où l’intolérable, l’inacceptable, font partie du quotidien. Fiena est là, tous les jours, la raquette à la main, le sourire de tous les instants. Elle se défoule, tape fort, puis tout en grâce lorsque Miangola lui apprend la délicatesse des services de revers. Elle rit à gorge déployée

lorsqu’elle manque le volant, dans des postures plus acrobatiques les unes que les autres.

A 16 ans, Fiena est venue jouer tous les jours, avec un extraordinaire sourire, malgré l'adversité

Le sport reconstruit. Il permet d’oublier, dans un premier temps. Mais il est bien plus. Le partage avec d’autres, de moments légers. D’apprendre à se concentrer sur une tâche. La coordination des gestes est aussi un moyen d’apprendre à réapproprier son corps. Notamment pour des enfants qui ont été traumatisés par des violences familiales ou climatiques. Il y a la dimension psychologique, aussi. La reprise de confiance. De l’estime de soi à travers des petites réussites, des mini objectifs. Les encouragements, les applaudissements sont pour eux des petites victoires, des petits pas vers la renaissance de l’âme. Romain Lagache, le fondateur des 2400 sourires ne le sait que trop bien, professeur de sport dont la spécialité était l’accompagnement

des personnes en situation de handicap. Le sport guérit, c’est un fait empirique. Pour lui,

comme pour les éducateurs des programmes Solibad, qui ont bien vu comme ce sport en particulier avait changé le regard que tous ces enfants portaient sur eux-mêmes, puis sur le monde qui les entoure.


C’est d’ailleurs l’une des clés de ce nouveau programme qui voit le jour, dans lequel va s’insérer ce partenariat autour du badminton, ici à Madagascar, sous la tutelle de l’Association 2400 sourires. Le reboisement est en cours, un peu plus loin dans la vallée, avant que ne sortent de terre les bâtiments d’un village pour accueillir les enfants des rues de Tananarive.

En plus d’une pension, d’une école, le village des sourires accueillera donc une entité sportive, avec, déjà, des promesses de dons en équipement de certains athlètes de haut niveau évoluant en France – le football, l’escrime, l’escalade. Et, donc, le badminton. Avec, pour chacun, des raisons particulières de pratique, pour aider à la reconstruction des enfants. Tout a été pensé minutieusement, par Romain, sa femme Séverine et leurs équipes de jeunes malgaches dévoués, pour redonner à ces enfants abandonnés le goût à la vie, tout simplement.


Pour le badminton, l’aventure n’en est qu’à ses prémisses – déjà prometteurs cependant sur l’échelle du plaisir qu’ont pris les bambins. Mais les parties prenantes – Solibad et les Super GO des sourires - ont déjà mis sur papier leur « plan de match ». A la demande générale, les jeunes de Ambohidratrimo vont retrouver au moins une fois par semaine Miangola, mais peut-être aussi quelques autres joueurs de l’équipe nationale, dont Raharison Bigjô, qui est venu prêter main forte sur l’une des séances. Pour commencer à apprendre les gestes de base. Devenir de vrais badistes. Faire du badminton une activité régulière.

Miangola, la championne Malgache, donne des conseils à ce jeune villageois, qui n'avait jamais tapé dans un volant.

De l’autre côté de la vallée, dès que le village des sourires sera construit, dans quelques mois, une autre phase du programme « Bad’agascar » devrait alors prendre forme, autour de plusieurs terrains de badminton en intérieur, avec une véritable académie de badminton financée en partie par Solibad. Avec, pour certains d’entre ces enfants des rues, une ouverture nouvelle sur le monde. De nouveaux espoirs.


5 grammes d’émotion… disent-ils. Il y en eu des tonnes cette semaine. Avec le début d’une longue et belle aventure humaine. Et donc, d’un nouveau programme par Solibad en partenariat avec 2400 sourires. « Bad’agascar ».


Lien : www.2400sourires.org Plus d'informations sur le programme Solibad à Madagascar ici :


Photos et article : Raphaël Sachetat / Solibad

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